Terrorisme intellectuel

  • 2005

Cette vidéo fut le première à être produite par Art-Act (Sandra et Gaspard Bébié-Valérian). Définie comme un manifeste, une prise de position clairement énoncée, un parti pris formel et théorique vis à vis de l’art, cette vidéo joue avec ironie sur certains codes visuels propres aux vidéos de revendication. La cagoule, la lumière aléatoire, le cadrage et plan fixe contribuent à une esthétique particulière. Or, la jeune protagoniste, habillée d’une jolie robe, laisse à la fois transparaître sa féminité et timidité par les regards parfois interrogateurs ou sa diction chargée d’émotion.

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À qui appartient l’espace public ? On devrait pouvoir répondre “Au peuple, dans son ensemble”. Personnellement, je répondrais qu’il est, en tout cas, habité par les médias. Ce sont eux qui distribuent et encadrent les modes de visibilités et légitiment des soi-disant “intérêts publics”. Or, les médias sont devenus des relais promotionnels, et la parole de l’artiste dans l’espace public n’est pas référentielle. En langage marketal, un artiste n’est pas un prescripteur, il ne fait pas de promotion.

En dehors de son image, l’artiste peut proposer du sens, du sensible, du symbolique.

Mais ce terrain a été récupéré par les publicitaires et les annonceurs et ce dans un but lucratif. L’art amène à la réflexion par la force du symbolique et du ressenti. La communication visuelle inhibe l’esprit critique. Une définition de la violence peut être la manipulation pour amener à partager une opinion sans ouverture d’interprétation. En se substituant à l’un des rôles possibles de l’art, les créateurs d’émotions rompent la complémentarité du critique et du sensible.

La question est de savoir comment réintégrer cet espace pour y faire jouer le rôle politique de l’artiste ?

Pour ma part je choisirai la subversion du flux informationnel par sa mise en défiance : c’est-à-dire subvertir le perverti symbolique. Ceci en rendant compte du traitement de la perception de l’information et de l’impact dans la société ; en interrogeant les consciences politiques, sensibles et morales face à la notion de responsabilité et celle de culpabilité ; en tentant de comprendre les mécanismes d’action et de réaction, par leur présence ou leur absence ; en mettant en évidence par la subversion les manques : manques d’information, manque d’analyse, manque de critique, et les vides révélateurs tels des lapsus.

La mise en œuvre que j’ai choisi sont la subversion des JT en utilisant le montage, la substitution, le décalage, pour mettre à mal une confiance aveugle et délégitimer l’homogénéisation au profit de l’esprit critique. La confrontation d’une conscience face à l’information ou l’absence d’information par des manifestations dans l’espace public, comme la performance, la distribution de tracts et flyers, ou la projection vidéo sur support mobile à l’image de vendeurs à la sauvette.

Ce que je veux, c’est amener les gens à plus d’autonomie et à moins d’automatisme. Ce que je veux, c’est qu’ils se demandent ce qui les pousse à agir ou non.

Ce que je veux c’est que chacun prenne ses responsabilités face au monde dans lequel nous vivons.

Ce n’est pas l’art qui change le monde. Ce sont les expériences qu’il produit sur son public qui amènent au développement et aux échanges des idées. Ce n’est pas moi, ni mon image, ni même ma fonction d’artiste qui peuvent influencer, mais mes idées dans leur mise en œuvre de l’expérience symbolique.

  • Video. 11 min.